Monsieur le Président,

Mesdames, messieurs les Conseillers départementaux,

Mesdames, messieurs,

Coïncidence du calendrier, depuis hier, c’est le printemps ! Le printemps, c’est le symbole de la renaissance, du renouveau, de l’espoir.

Ce n’est donc pas un hasard si la métaphore a souvent été utilisée en politique : Souvenez-vous du printemps des peuples de 1848 en Europe, de celui de Prague en 1968, de celui de Pékin en 1989, de l’éphémère printemps de Damas en 2001 ou encore des printemps arabes de 2011.

Le 8 janvier 2017, le candidat Macron, alors en campagne sur les terres radicales de Clermont-Ferrand, s’y mettait à son tour et, citant le philosophe Alain, une grande figure du radicalisme français, il invitait chacun à « penser printemps ». Il nous promettait alors que le printemps serait à nous, qu’il serait progressiste et qu’il serait celui du changement.

C’est vrai qu’après le carcan hivernal, le printemps s’annonce toujours rempli de promesses, mais pas que.

Le printemps 2018 s’annonce aussi rempli de contestations. Si le vent de la croissance réchauffe le climat économique, le climat social, lui, s’assombrit :

  • Grève dans les EHPAD où les personnels épuisés dénoncent le manque de moyens humains et financiers pour s’occuper avec dignité de nos ainés, (rappelons qu’à l’horizon 2030, l’Ille-et-Vilaine comptera 42% de personnes âgées dépendantes de plus même si, pour l’heure, notre Département n’a pas à rougir du nombre d’établissements dont il dispose au prorata du nombre d’habitants et du financement qu’il y consacre),
  • Mobilisation des retraités. Ils dénoncent la hausse de 1,7 % de la CSG et un pouvoir d’achat en baisse,
  • Grogne dans les hôpitaux où les urgences, comme à Rennes, sont de plus en plus souvent saturées,
  • Grogne aussi dans les prisons où les surveillants exposés ne se sentent pas assez défendus,
  • Grève encore des facteurs, à Rennes notamment, depuis le 9 janvier dernier, mais aussi,
  • Grève des avocats aujourd’hui et des fonctionnaires annoncée pour demain, grève des pilotes d’Air France annoncée pour vendredi et grève longue des cheminots annoncée au rythme de deux jours par semaine à compter du 3 avril.

On dit pourtant que tous les indicateurs macro « ou Macron ! » économiques se teintent de vert, que la croissance bourgeonne. La croissance française du produit intérieur brut (PIB) a atteint 1,9 % en 2017. C’est moins que l’Allemagne (2,3%), moins que la moyenne de la zone euro (2,5 %) mais c’est son plus haut niveau depuis 6 ans.

Alors après la pluie, le beau temps est-il enfin en train de revenir ?

Exit la grisaille à la Française. Selon l’INSEE, l’investissement est en hausse, pour les ménages (+5,1% après +2,4 % en 2016) comme pour les entreprises (avec une augmentation de 4,3 % après +3,4% l’année d’avant). Cette tendance positive devrait se poursuivre en 2018.

Grace à qui ? Merci Monsieur Hollande, merci Monsieur Macron, merci à la conjoncture ?

Emmanuel Macron le reconnait lui-même dans une interview donnée en décembre dernier au quotidien El Mundo : « La France bénéficie de l’embellie de l’économie mondiale, mais aussi des réformes des dernières années et d’un sentiment de confiance plus grand ».

De manière mécanique, ce sont les effets du quinquennat précédent qui se ressentent aujourd’hui.

Monsieur Macron doit le savoir, lui qui, usant à nouveau de la métaphore le 26 janvier dernier devant un parterre d’agriculteurs en plein désarroi, appelait cette fois à «  penser printemps dans l’agriculture ». Ce n’est pas au printemps que se font les récoltes et il faudra un peu de temps avant qu’il puisse cueillir les fruits des réformes qu’il a semées.

Et des réformes, c’est vrai qu’il en a semées ! Parmi celles-ci, il y a le nouveau cadre budgétaire dans lequel notre département doit voter son budget primitif.

On le sait, notre pays est endetté : 2 226 milliards d’euros de dettes ! Rendez-vous compte : Il y a 45 ans que l’Etat n’a pas voté un budget en équilibre ! C’était en 1973 et depuis 1978, la dette de notre pays ne cesse de progresser. La France est le 7ième pays le plus endetté d’Europe, à égalité avec le Portugal.

35 000 euros par habitant, voilà ce que représente aujourd’hui la dette publique française ! Elle représente 98% de notre PIB, alors qu’elle devrait, au sens de Maastricht, être inférieure à 60%.

La loi de finance 2018 prévoit de rembourser 120 Milliards mais, « en même temps », d’en réemprunter 195. Emprunter pour rembourser, c’est ce qu’on appelle faire de « la cavalerie ».

Depuis 2006, le contribuable français n’a pas remboursé un seul euro d’emprunt, laissant aux générations futures le soin de le faire. Et pourtant, loin de mourir en état de faillite, notre génération va expirer sur un matelas rempli d’obligations émises par le Trésor public.

Pour les 2/3, notre dette est actuellement détenue par des « non-résidents », c’est-à-dire par des créanciers étrangers, ce qui fragilise notre indépendance économique et financière. Malgré des taux extrêmement bas, cette situation est donc devenue  explosive.

Alors, qui pourrait sérieusement reprocher à nos dirigeants politiques de chercher à sortir de cette situation que tous ont contribué à créer et développer ?

Pas Michel Sapin, qui déclarait en 2013 : « Il y a un Etat, mais c’est un Etat en faillite. C’est la raison pour laquelle il faut mettre en place des programmes de réductions des déficits ».

Pas François Fillon, qui en avril 2017, répétait ce qu’il avait déjà dit en Corse, en 2007 : «  Nous sommes un État en faillite ».

Et c’est ainsi,

  • Qu’après la Révision Générale des Politiques Publiques chère au Président Sarkozy, (révision qui conduira d’ailleurs à une réduction de 5,4% des effectifs publics et au premier gel de la DGF en 2011, avec une diminution de 200 Millions),

Et c’est ainsi,

  • Qu’après la MAP, la Modernisation de l’Action Publique, chère à François Hollande, (plan qui amènera 50 Milliards d’économies et une baisse généralisée des dotations de 11 Milliards sur la période 2015-2017, soit 55 Millions d’euros de dotations en moins pour notre Département),

Voici qu’on nous présente un nouveau dispositif, original, de contractualisation qui, cette fois, vise à réduire l’endettement de 13 Milliards d’euros sur la période 2017-2022.

Pour éviter d’affaiblir la croissance économique encore fragile et de pénaliser l’investissement public local, l’Etat cherche à ce que l’on améliore notre capacité d’autofinancement tout en nous désendettant. Déduction faite de l’inflation, il cherche à ce que l’on diminue nos dépenses de fonctionnement.

Pour ce faire, il prévoit de restreindre les dépenses des 322 plus grosses collectivités en leur fixant un taux directeur à 1,2%.

Ce taux s’applique de façon uniforme et indifférenciée quelle que soit la nature de la collectivité. Département, Ville, Région, Intercommunalité vont subir la même règle du jeu et ce, quelle que soit la nature de leurs dépenses, pourtant propre à chaque groupe de collectivité.

Et c’est là, il me semble, que réside la genèse des problèmes à venir. Le postulat de base est de considérer que toutes les dépenses de fonctionnement sont de même nature, néfastes et qu’elles nécessitent donc  d’être limitées, voir supprimées.

L’Etat, sans discernement, traite de la même façon et met dans le même panier les versements aux Syndicats Départementaux d’Incendie et de Secours, les Allocations Individuelles de Solidarités des Départements, les frais de communication des Régions ou encore les dépenses des fêtes et cérémonies des intercommunalités et les dépenses de carburant des communes.

Il y a là une profonde iniquité qu’il conviendra de corriger, je l’espère, lors des futures négociations.

De même, vouloir être le bon élève et appliquer localement les dispositifs voulus et encouragés financièrement par les ministères, va s’avérer du coup pénalisant.

En étant comptabilisés comme une hausse de nos dépenses, des dispositifs pourtant financés, comme ceux prévus par la loi ASV (loi d’adaptation de la société au vieillissement), vont progressivement restreindre notre propre capacité d’action.

Aussi, comment peut-on accepter qu’en se substituant à l’Etat pour garantir un accueil de qualité aux mineurs étrangers isolés et cela sans réelle compensation, nous puissions en même temps être pénalisés par la prise en compte de cette dépense dans le 1.2% ?

Il y a là profondément une atteinte à notre libre administration et à notre autonomie financière.

Si l’essentiel des économies a été fait depuis 2013 sur les collectivités locales (9 milliards de dotations en moins alors que, dans le même temps, le budget de l’Etat a connu une augmentation de 3 Milliards), il faut que cela change.

Le premier Président de la Cour des Comptes a invité le Chef de l’Etat à mener des réformes structurelles pour réduire durablement le déficit public.

Pour l’instant j’ai bien peur que l’on ne nous propose qu’un budget de recentralisation et de perte d’autonomie pour nos collectivités. 

Si l’Etat s’est engagé à compenser à l’euro près la perte des recettes fiscales qu’entraine la suppression de la taxe d’habitation, percevoir un impôt ou une dotation, ce n’est pas la même chose ! L’impôt, c’est le lien direct entre le contribuable et la collectivité. Si celle-ci développe l’activité de son territoire, la base fiscale augmente et les recettes de la collectivité également. La dotation, c’est le lien de dépendance de la collectivité envers l’Etat.

Troquer le foncier bâti pour l’affecter au bloc communal contre une part de CSG, c’est enlever au Département son dernier levier fiscal et mettre fin à son autonomie. Ce serait un nouveau recul pour la décentralisation.

C’est donc encore une fois dans un contexte difficile, celui du risque de perdre la confiance des élus locaux et d’une volonté de contrôle étatique de ce que font les collectivités, que notre Département doit se livrer à l’exercice complexe de l’élaboration de son budget primitif.

Il nous appartient d’exprimer, au terme des trois jours de session prévus, une prévision de nos dépenses et de nos recettes pour l’année à venir, mais pas seulement. Ce budget, grâce à une épargne nette stabilisée autour de 40 Millions d’euros, pose aussi les bases de la réalisation de notre Plan Pluriannuel d’Investissement. Nous avions parlé du Milliard sur le mandat. Nous y serons.

Je ne vais volontairement pas aborder ici les chiffres, nous allons avoir tout le loisir d’en débattre dans les jours à venir mais je souhaitais pointer du doigt quand même la question importante de la mobilité.

Après la fin de Notre-Dame-des-Landes et la remise en cause du projet ferroviaire Liaisons Nouvelles Ouest-Bretagne-Pays de la Loire (LNOBPL) visant à améliorer l’accessibilité nationale des bretons, le rapport Buron sur les infrastructures nationales sonne le glas de la politique d’aménagement du territoire breton mais aussi national, faute de moyens.

Le Grand-Ouest s’en trouve abandonné et doit trouver des solutions pour se désenclaver. Il en va de son développement économique et de son attractivité. C’est pourquoi nous soutenons le projet de Pacte d’accessibilité de la Bretagne. C’est pourquoi nous confirmons notre volonté de contribuer à l’amélioration de la ligne ferroviaire Rennes-Châteaubriant.

Le rapport Spinetta préconise la suppression des petites lignes ferroviaires non rentables, « peu utilisées » et « héritées d’un temps révolu ».

C’est méconnaitre la réalité du transport ferroviaire dans nos territoires que de croire que le transport ferroviaire secondaire peut se réduire à un transport de masse à la parisienne. Il a aussi un rôle d’irrigation et de connexion des territoires, complémentaire aux autres modes de transport.

Le gouvernement a annoncé qu’il ne suivrait pas la préconisation du rapport Spinetta concernant la fermeture des petites lignes du réseau ferré secondaire mais nous resterons vigilants. 

L’accès à Rennes devient aussi un sujet préoccupant pour la mobilité de nos concitoyens sur lequel il faudra réfléchir. Le co-voiturage, les déplacements doux, ne pourront que répondre partiellement aux enjeux de demain.

La rocade a une fonction de transit et ne peut se réduire à un boulevard urbain. Le Département a fortement investi pour améliorer la fluidité du trafic sur toutes les grandes voies départementales qui convergent vers la rocade mais sa congestion récurrente et croissante pénalise aujourd’hui tous ceux qui vivent à l’extérieur de la Métropole rennaise.

Son engorgement quasi quotidien est en passe de devenir un frein pour les entreprises de l’Ouest. Il nous faut une mobilisation générale qui ne passe pas que par le tout routier.

Pour conclure et sans transition puisque je parle « de général, », je voudrais rappeler un anniversaire. Celui de notre Code Civil, promulgué par Napoléon Bonaparte, un 21 mars, il y a 214 ans aujourd’hui.

Pudique sur la question sensible du droit de mourir dans la dignité, notre bon vieux Code Civil sent la poussière sur la question des mœurs et mérite un toilettage.

Dans le débat qui s’ouvre préalablement à la révision de la loi de bioéthique, nous, membres du Mouvement Radical, social et libéral, demandons toujours que soit élaborée une loi qui n’ignore plus la liberté de conscience de l’individu, une loi de liberté qui permette de mourir dans la dignité et accorde à ceux qui le souhaitent une fin de vie maîtrisée et apaisée.

C’est une valeur que nous défendons.

Dans cette attente, nous défendrons pour aujourd’hui le budget présenté. Parce que l’avenir de nos territoires se joue ici et que le niveau d’épargne que nous parvenons à maintenir va permettre de mener à bien les projets d’investissement nécessaires à la préparation de cet avenir, notre groupe vous apporte son soutien, Monsieur le Président, dans le vote de ce budget primitif 2018 et dans les actions qui y sont attachées.

Je vous remercie pour votre attention.

Christophe MARTINS
Vice-Président du Conseil départemental d’Ille et Vilaine

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