Le 13 février, le Conseil général d’Ille-et-Vilaine débutait sa session, dont l’objet principal était le vote du budget 2013. Pour le groupe PRG, son président Christophe Martins (maire d’Iffendic), a rappelé les priorités de la majorité départementale, parmi lesquelles le soutien à l’économie locale.

Monsieur le Président,
Mes cher(e)s Collègues,
Mesdames, Messieurs,

« Si les hommes auxquels le pouvoir est confié interprètent convenablement la réalité historique, ils peuvent favoriser des accouchements, les rendre moins pénibles, moins douloureux ; ou tout au contraire, freiner tel ou tel progrès » affirmait Pierre Mendès France.

Alors rappelons encore une fois que nous ne vivons pas une crise passagère mais que nous vivons une crise économique, environnementale, mondiale.

C’est une crise systémique dont l’une des principales explications fondamentales n’est pas seulement l’absence de croissance mais notre incapacité collective à gérer de façon juste la redistribution des gains de productivité colossaux que l’économie a produit depuis 30 ans.

« Ce même progrès technique qui pourrait libérer les hommes d’une grande partie du travail nécessaire à leur vie est le responsable de la catastrophe actuelle » écrivait Einstein.

Le « droit à la paresse », idée chère à Paul Lafargue, socialiste et gendre de Marx, qui indiquait que les gains de productivité, d’innovation, de progrès devraient se traduire et bénéficier à la population, est aujourd’hui une réalité plus subit au travers du chômage qu’espérée.

Et pourtant, selon certains économistes, dont Pierre Larrouturou, ces gains de productivité sont vraiment considérables : en trente ans, selon ses chiffres, l’économie française a produit 76% de plus avec 10% de travail en moins.

De ce fait, l’économie a besoin de 10% de travail en moins, de travailleurs en moins, alors que, dans le même temps, le nombre de personnes disponibles pour travailler a augmenté de 23%.

Un écart de 33% s’est donc creusé entre l’offre et la demande de travail.

Sur des départements comme le notre, et sur le long terme il suffit de regarder et comparer les courbes des formidables gains de productivité dans des domaines comme l’agriculture et l’automobile et les courbes décroissantes de la population employée dans ces secteur, pour comprendre assez vite que la croissance de production et les gains de productivité ne font pas nécessairement le plein emploi.

Et pourtant, nous sommes, nous, des partisans de la croissance, une croissance qui passe par la relance d’un nouveau modèle de développement des produits, des services, des politiques énergétiques, des politiques de transports, des politiques climatiques, bref un modèle respectueux de l’environnement et des hommes.

Au lieu de profiter à tous, l’économie de la cupidité a confiné dans très peu de mains les gains de productivité et les a traduits en source d’enrichissement démesuré.

Nous vivons dans un monde de production de masse et nous avons besoin de consommation de masse. Pour ce faire, depuis 30 ans, l’État providence cherche à maintenir fictivement une croissance de la consommation en distribuant des revenus de transfert, en s’endettant et en s’endettant encore et encore…

Selon le Crédit Suisse, les 1 % les plus riches de la planète possèderaient 43,6 % de la richesse mondiale et les 10 % les plus riches en détiendraient 83 %.

Or, même en mangeant dix fois par jour, en achetant une voiture par semaine et une maison par mois, les fortunes les plus riches n’arriveront, au mieux, qu’à sauver l’industrie du luxe.

A force de manquer de consommateur solvable, le système prend l’eau de toutes parts.

Le déficit budgétaire américain est deux fois plus élevé que celui de notre vieux continent. Il dépasse depuis deux ans les 11% du PIB contre 6% chez nous et si le chômage semble resté à un taux inferieur à 10%, c’est simplement parce que, chaque année, 150 000 américains quittent les statistiques de la population active en renonçant à s’inscrire.

Le roi dollar est nu, vive le Yen ! Pourtant, lorsque l’on regarde de plus près la situation en Chine, si le chiffre officiel de la croissance reste de 9% (contre 20%, il y a deux ans), la consommation électrique n’a augmenté l’année dernière que de 0,5% et l’importation de produit pétrolier a même baissé.

Il suffit par ailleurs de se pencher sur la presse internationale pour se rendre compte que la Chine connait une crise de l’immobilier sans précédent, un déficit commercial record et que plus de 25% de sa population est au chômage. Si c’est cela le péril jaune, alors il est d’un jaune bien pâle !

Les failles de l’Europe, elles, sont particulièrement visibles à l’heure où l’on étrangle le peuple grec, sacrifié sur l’autel de l’austérité, alors que le taux de chômage atteint les 30%. La situation serait presque comique si elle n’était pas dramatique et de nombreux économistes n’ont cessé d’alerter sur les dangers de l’austérité dans un climat économique morose.

John Maynard Keynes expliquait que la puissance publique doit aller dans le sens inverse des acteurs économiques, qu’elle doit investir quand les ménages ne consomment plus et qu’elle doit soutenir l’activité en investissant.

Des dépenses publiques en moins, ce sont autant d’emplois supprimés, faute de demande. Même le FMI reconnaît aujourd’hui s’être trompé sur l’austérité. Et c’est l’Europe qui est responsable de la tragédie grecque, du bourbier dans lequel elle est plongée, alors que c’est en Grèce que l’Europe trouve ses racines ! Faute de cohésion, faute de solidarité, nous nous sommes tous repliés sur nos propres intérêts nationaux quand la solution n’était qu’européenne.

Nous avons refusé de mutualiser nos dettes, ce qui aurait permis à la Grèce, à l’Espagne, au Portugal de ne pas avoir à s’acquitter de taux d’intérêts prohibitifs alors que nous empruntons, nous, à des taux dérisoires. Nous avons refusé trop longtemps que la Banque centrale rachète les dettes souveraines, au contraire de la Banque fédérale allemande ou du Royaume-Uni, ce qui a laissé les pays en difficulté, à la merci des marchés.

Pire encore, nous laissons nos industries fuir vers une main d’œuvre moins chère, là où la protection sociale est si inexistante qu’elle garantit à des entreprises, qui font déjà des profits chez nous, d’en faire d’avantage et de se débarrasser de nos ouvriers.

Quand les États-Unis protègent leur marché grâce à des normes élevées de sécurité, l’Europe est le dindon de la farce de la mondialisation et reste ouverte à toutes les concurrences déloyales. Le juste-échange était dans le programme du candidat Hollande. Il est temps de conditionner l’accès à notre marché communautaire à des normes sociales et environnementales salutaires.

Avec le Traité de Nice, en 2001, nous avons autorisé l’élargissement de l’Europe aux pays de l’Est pour être 25 puis 27, mais cela, sans condition. Or nous ne pouvons tolérer plus longtemps que notre économie souffre du dumping social et fiscal d’autres pays de l’Union. En témoigne la situation de notre filière porcine bretonne qui subit une concurrence intracommunautaire de la part de pays qui n’ont pas de salaire minimum. Les éleveurs de porcs Bretons et Français perdent en compétitivité, la production baisse et ce sont des milliers d’emplois qui sont aujourd’hui menacés. Allons-nous, demain, expliquer à nos consommateurs que leur tranche de jambon vient d’Allemagne ou des pays nordiques ?

Et réclamer à nos agriculteurs toujours plus d’efforts pour l’environnement quand le coût carbonique de nos viandes explose ? Il est temps, Monsieur le Président et mes cher(e)s collègues, d’écrire l’histoire, de construire une Europe sociale, économique, politique. Il est temps de proposer un SMIC européen pour protéger nos salariés. L’instauration d’un salaire minimum harmonisé à la hausse sera un formidable coup de pouce à notre économie communautaire puisque 80% de nos échanges commerciaux se font à l’intérieur de l’Union.

De même, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières pour laquelle Bruxelles a donné son accord aux onze pays volontaires – qui représentent deux tiers du PIB européen – est une excellente nouvelle.

L’Europe se dote enfin de ressources propres pour aller plus loin dans l’intégration. C’est un défi majeur que nous avons à relever : construire une Europe au fonctionnement propre et ne plus faire de l’Union le réceptacle des réclamations particulières.

Le budget est l’incarnation d’un projet politique, alors oui, il nous faut retrouver la maitrise et l’équilibre de nos finances publiques et pour cela passer par une révision des budgets nationaux et faire des choix. Mais, en même temps, il nous faut plus de budget pour l’Europe, plus d’aides pour les plus démunis, plus d’Europe Fédérale et la création d’une véritable défense Européenne, la création d’un impôt européen…

La décision de notre Président d’intervenir au Mali a quasiment fait l’objet d’un consensus national et je tiens à souligner l’esprit de responsabilité de la majorité de la classe politique française qui a su se mobiliser pour protéger Bamako.

François Hollande a su agir rapidement. Il a pris la décision courageuse d’intervenir pour protéger la liberté et le droit des peuples de décider pour eux-mêmes.

L’intervention au Mali, c’est pour défendre nos valeurs et faire reculer l’obscurantisme.

Mais dans cette opération, nous n’avons qu’un regret : l’isolement de la France et le manque de cohésion européenne. Certes, nous avons été soutenus par les Nations Unies mais la seule intervention de la France fait apparaître clairement l’absence d’une Europe forte et unie sur le plan international.

Pourtant, au même moment, nous fêtions le cinquantenaire du Traité de l’Élysée qui scellait la réconciliation de deux peuples ennemis dont l’alliance est aujourd’hui devenue le moteur de la construction européenne.

C’est dans la mutualisation, c’est dans le partage, que l’on trouvera des économies publiques. Pour cela, nous avons besoin de plus d’Europe.

Mes chers Collègues de la majorité, mes amis radicaux, non, personnellement, je n’approuve pas la baisse du budget Européen que les chefs d’État viennent de nous proposer.

L’Europe n’a pas vocation à répercuter les différents intérêts nationaux mais doit, au contraire, privilégier l’intérêt commun européen. Ceci signifie qu’en temps de restrictions des budgets nationaux, il est d’autant plus nécessaire de mettre en commun des ressources qui seront utiles pour l’ensemble des États membres. Il faut mutualiser au plus vite certaines politiques nationales afin de préparer l’avenir.

Au lieu de construire une Europe fédérale, ce projet budgétaire de la vieille Europe est un véritable constat d’échec. Il faut rapidement que l’Union Européenne retrouve les chemins de la croissance, mais, pour ce faire, il faut qu’elle franchisse une étape : celle des décisions à la majorité et du pouvoir renforcé de ses parlementaires.

Heureusement, on peut trouver ça et là dans les États membres quelques motifs de satisfaction. Au premier rang desquels on trouve la loi en France ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. Cette loi est historique et profondément progressiste.

Je regrette que cette avancée vers l’égalité des droits ne fasse pas, cette fois, l’objet d’un consensus national. Rappelons que même les conservateurs britanniques ont voté, la semaine dernière, l’ouverture du mariage à tous les couples.

Alors, dans un contexte budgétaire Européen contraint ou même les crédits Erasmus devront d’ailleurs connaitre eux aussi une baisse, je me réjouis du volontarisme de la majorité gouvernementale en la matière, en digne héritier des lois Jules Ferry instaurant l’école libre et obligatoire pour tous.

Nous sommes fiers d’appartenir à une majorité qui fait de l’éducation sa priorité, tant au niveau national que local. En Ille-et-Vilaine, ce sont 174 postes d’enseignants ouverts pour la rentrée 2014, du premier degré au lycée. Ces mesures répondent aux promesses de campagne du candidat François Hollande. C’est aussi une réponse face à l’urgence que connait le personnel éducatif à tous les niveaux de l’enseignement. La politique aveugle de réduction drastique des dépenses menée par la majorité précédente a mis à mal notre service public de l’éducation. Ces ouvertures de postes sont un signe fort à l’endroit des professeurs qui ont la lourde charge d’assurer l’avenir de nos élèves, de les émanciper, de les instruire et de les orienter. C’est une reconnaissance du travail de ceux qui agissent au quotidien, dans des conditions parfois très difficiles, pour apporter la connaissance nécessaire à chacun.

C’est aussi l’une des priorités de notre majorité départementale et nous en sommes très heureux. Cette année, ce sont près de 20 millions qui sont investis dans nos collèges pour accélérer leur rénovation. C’est un effort considérable en ces temps de restrictions budgétaires. L’éducation, c’est ce qui fera de nos enfants les citoyens de demain. C’est important parce que notre modèle de développement est en crise, nous avons laissé un système dérégulé se construire sur du vide et s’effondrer. L’éducation devra forger des citoyens éclairés capables d’imaginer un modèle plus juste, plus rationnel, plus égalitaire.

Nos enfants, les adultes de demain, doivent être capables de se saisir des enjeux politiques auxquels nous sommes confrontés, dans un système de plus en plus complexe, pour bâtir les structures d’un modèle qui fasse de la réussite collective une priorité et de la répartition des richesses un impératif.

Localement, nous agissons pour donner aux citoyens les clefs pour comprendre et co-construire les politiques publiques, pour que chacun puisse s’impliquer dans notre destin commun. Nous menons avec succès notre enquête « On se connaît ? » pour mieux répondre aux attentes des habitants d’Ille-et-Vilaine.

La médiateure doit aussi permettre une meilleure communication entre l’institution et les individus. Nous sommes fiers des mises en œuvre du Département pour faire avancer la démocratie. Il serait d’ailleurs intéressant que le Conseil général organise des cycles de conférence réguliers, ouverts à tous, sur les grands thèmes qui rythment la vie politique. C’est aussi notre rôle de poser des questions et de proposer des réponses en confrontant les avis. Nous pourrions inviter quelques experts pour nous éclairer nous-mêmes, élus de la République, sur des sujets qui sont trop peu débattus. Dans une économie mondialisée, qui est encore capable de maîtriser les mécanismes macroéconomiques qui nous régissent ? Pourquoi ne pas nous ouvrir à d’autres discours, las de supporter la rhétorique monocorde d’un François Lenglet ou d’un Jean-Michel Apathie ?

Nous travaillons aussi à améliorer les services du Département et leur accessibilité. Dans ce sens, nos écoliers vont pouvoir demander le renouvellement de leurs cartes de transport scolaire par internet dès le mois de mai prochain. La participation familiale pourra également se faire en ligne dès la prochaine année scolaire.

C’est un projet qui va simplifier les démarches de nombreuses familles. En matière de transport, nous réfléchissons quotidiennement pour améliorer nos offres et les adapter aux besoins que ce soit pour le transport scolaire ou interurbain. C’est une compétence importante du Département et une tâche difficile car nous voulons être à la hauteur des attentes. À ce titre, nous serons aux côtés de toutes les communes qui ont la volonté de mettre en place la réforme des rythmes scolaires dès 2013. C’est une réforme nécessaire qui répond aux besoins de l’enfant. Exigeants avec le service public de l’éducation, nous le serons aussi avec nous-mêmes et chaque commune profitera, si elle le souhaite, d’une offre de transport adéquat.

Cette session de vote du Budget primitif est l’occasion de rappeler qu’en 2013, nous investirons 162 Millions d’euros dans l’économie locale.

7 millions d’euros supplémentaires pour accélérer les projets routiers engagés. C’est un investissement important parce qu’il vient en soutien de l’économie et de l’emploi. Des projets dûment menés, c’est autant d’argent réinjecté dans l’économie pour lutter contre la crise.

C’est aussi la volonté de mettre en œuvre plus rapidement notre vision d’un aménagement du territoire équilibré, qui désenclave les territoires ruraux pour un département plus dynamique.

Cette logique nous pousse à soutenir le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. C’est une aubaine formidable pour la région qui dynamisera tout le Grand Ouest. La Bretagne et les Pays de la Loire représentent deux régions très attractives qui profitent de taux de croissances économiques et démographiques positifs. Il est légitime de répondre au besoin de mobilité généré par cette forte activité.

Ce projet répond aussi à des impératifs environnementaux : la ligne Bretagne Grande Vitesse devrait permettre de rallier Rennes et Nantes rapidement avec un moindre impact carbonique.

Sur ce point aussi, si le Schéma National des transports est en panne, nous aurions grand besoin d’une politique de grands travaux portée par l’Europe.

Pour conclure mon propos radical et en cette veille de Saint Valentin (eh oui, nous aussi succombons aux charmes de certains !!!), nous sommes persuadés que l’innovation, le sens de l’égalité, la recherche d’un nouveau mode de développement sont des axes forts qui permettront à notre Département, mais aussi à l’Europe, de rebondir car, comme le dit le proverbe, «  C’est quand on croit que tout est perdu que tout recommence ».

Alors bonne session à tous.

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