Alors que le Conseil général d’Ille-et-Vilaine adoptait, pour les habitants du département, le gentilé « brétillien », il débattait pendant sa session de juin de nombreux autres dossiers, tous aussi importants pour l’avenir du territoire. C’est ce qu’a tenu à rappeler Christophe Martins, président du groupe PRG, dans son intervention liminaire.

Monsieur le Président,
Mes cher(e)s Collègues,
Mesdames, Messieurs,

Je tiens au préalable à saluer la mémoire de notre collègue Emile Blandeau et à souhaiter la bienvenue parmi nous à Monique Sockath, nouvelle Conseillère générale du canton d’Argentré-du-Plessis.

Les différents rapports que nous allons étudier au cours de ces deux journées de session sont pour nous, groupe Radical, Social, Démocrate et Républicain, l’illustration de ce que doit être aujourd’hui l’action d’un département. Être en mouvement, être innovant, soutenir l’activité économique tout en étant un outil de solidarité.

La maxime qui orne le Nautilus, le célèbre sous-marin inventé par Jules Vernes, est « Mobilis in mobili », mobile dans l’élément mobile. Cette maxime pourrait parfaitement nous convenir.

Cette métaphore humaniste reflète les croyances en un siècle du progrès technique et de ses conséquences positives sur la société.

Tel le Nautilus, notre département doit bien appréhender son environnent et explorer « les nouvelles frontières de la croissance ».

Parmi celles-ci, citons le numérique. Deux chiffres pour s’en convaincre : 25 % des emplois créés depuis 1995 sont liés à l’Internet. Et le rapport France numérique 2012-2020 qui prédisait, entre 2012 et 2015, la création de 450 000 emplois supplémentaires.

C’est un formidable levier, qui impose qu’on ne puisse avoir simplement une approche segmentée du numérique en pensant d’un côté les infrastructures, l’économie de l’autre et enfin les usages. Il faut bien comprendre que tous ces éléments sont imbriqués.

Si le symbole du 20ième siècle était la voiture ou l’avion, le symbole de ce début de 21ième siècle est plutôt l’iphone, le portable, le mobile.

Ce changement est bien plus important qu’un simple changement de mode de transport ou de communication.

C’est un changement dans le mode de connexion, dans le mode d’accès au savoir. Et pas simplement au savoir académique, mais aussi à l’information courante : horaires des transports collectifs, offre d’emploi, etc. C’est un changement radical de notre mode de vie, de notre façon de voir les choses.

Nous sommes rentrés dans une ère ou le but de la mobilité n’est plus forcement d’aller loin, mais d’aller vite. Dans une ère ou le rapport au temps change et se remplit de données, la ville devient mobile, la vie devient mobile et numérique.

Avec le numérique, la mobilité change d’échelle dans le temps et l’espace.

La mobilité numérique vient entrelacer la mobilité physique. Ainsi, la mobilité n’est plus un concept basé seulement sur le mouvement physique, mais un potentiel qui permet des choix à condition de maîtriser suffisamment les informations et les moyens de les acquérir.

Le 20ième était celui du transport, le 21ième siècle sera celui de la mobilité.

Regardez les évolutions des modes de transport, hier encore totalement individuels et qui, progressivement, deviennent des transports individuels «  partagés » organisés par la Collectivité.

Le co-voiturage, le pédibus, le velib, ou encore les expériences d’auto stop organisées par le département sur Redon sont autant d’actions qui montrent que nous sommes passés d’une société du transport à une société de la MOBILITE et que le Département a sa place dans ces évolutions, dans ce changement de paradigme.

Cela ne signifie pas que les supports de la mobilité traditionnelle comme les infrastructures routières, ferroviaires ou même aérienne n’ont plus droit de cité. Bien au contraire, c’est une condition nécessaire à plus de mobilité et :

nous nous réjouissons de voir la Rennes-Redon, la Rennes–Angers, la déviation de Dol, et bien d’autres avancer,
nous nous réjouissons de voir que la décision modificative va nous permettre de mieux mailler, mieux sécuriser les déplacements sur nos territoires, mais aussi soutenir l’activité des entreprises de travaux publics.

Mais cela signifie que nous devons d’ores et déjà penser la mobilité 2050 et que cela passera aussi par des innovations en matières routières, en matière de plan de déplacement, en matière d’exploitation des routes, de transport des marchandises, de fret, de transport aérien, d’énergie, car il ne suffit pas de produire des véhicules électriques. Encore faut-il s’assurer de leur alimentation …

L’enjeu de cette réflexion est d’abord économique et industriel car il s’agit de préparer demain avec l’innovation d’aujourd’hui, de prendre rang, de s’inscrire.

En étant partenaire de la halle technologique, mais aussi de TELECOM BRETAGNE, nous nous inscrivons dans ce champ d’actions.

Les innovations marquantes, à commencer par les nouvelles technologies de l’information, ne sont souvent pas le résultat de grandes stratégies de groupes industriels. Elles sont souvent le fruit d’inventions judicieuses de simples techniciens ou d’utilisateurs audacieux, quelques fois même au fond d’un garage.

Aussi, nous devons tous placer l’innovation au cœur des politiques publiques que nous menons.

Mais, pour ce faire, il nous faut accompagner l’entreprise, car celle-ci a besoin de réunir certaines conditions pour investir dans la recherche, dans le développement :

Il lui faut un environnement propice qui permet aux innovateurs la prise de risque car, force est de constater que la crise économique rend cet environnement moins favorable.

Il lui faut des clients prêts à consommer des produits ou des services nouveaux, en changeant de comportement, quitte à supporter les conséquences négatives de cette expérimentation. Or, là aussi, la situation de crise rend les comportements plus frileux et souvent plus attentistes.

Enfin, il lui faut des ressources financières prêtes à s’investir dans des activités dont le niveau de risque est élevé, en proportion du gain potentiel attendu en cas de succès. La encore, la situation de crise des liquidités, n’est pas favorable.

C’est pourquoi nous saluons le Pacte Productif et social mis en place par le département. Celui-ci ne pourra que contribuer à lever ces freins à l’innovation.

Aussi, nous plébiscitons le fonds de soutien au Petites et Moyennes Entreprises qui a accompagné 41 entreprises, sur ces trois dernières années.

Mais aider les PME, ce n’est pas se détourner de l’avenir de PSA. Sur ce point encore faut-il que chacun des acteurs privés et publics s’investisse dans un projet partagé.

Sur le vieux continent, pas moins de 58% des usines d’assemblage de voitures sont actuellement utilisées à moins de 75% et perdent de l’argent.

Le monde entier ne peut pas compter éternellement sur le consommateur automobile chinois. Nous devons nécessairement retrouver un modèle de croissance en Europe.

Dans l’attente, le département reste mobilisé et confirme son soutien à tout projet de ré-industrialisation.

La relance passera par l’innovation. Les sociétés comme APPLE et GOOGLE nous montrent d’ailleurs qu’avec des nouveaux produits, tout est possible, mais cela passera aussi par la mise en place de nouvelles régulations.

Car, il faut bien l’avouer, des innovations, il y en a, notamment au travers des nouveaux services qu’Internet propose.

La réussite planétaire ou presque de sites comme Ebay, Twitter, Amazon, Airbnb, des réussites nationales comme Leboncoin, profitent aux consommateurs que nous sommes.

Pratiques, accessibles partout, ces sites offrent souvent plus de lisibilité, plus d’offres, des comparatifs, des promos, des prix instantanées, une mise à jour continue… Les avantages pour les consommateurs sont indéniables.

Mais, dans le même temps, sans aucune régulation, cette nouvelle forme d’organisation détruit des secteurs entiers de notre économie : la presse, l’imprimerie, le courrier, les transports, l’hôtellerie, …et je ne parle pas de l’industrie du disque, de la culture, du cinéma…

Il convient donc de s’interroger au plus tôt sur cette nouvelle forme d’économie en plein développement, une économie hors sol, immatérielle. Si le numérique est une source de création d’emplois, de combien de suppressions d’emplois cette dématérialisation est-elle responsable ? Il nous faut réguler pour retrouver un modèle économique protecteur, non pas seulement du consommateur et des actionnaires, mais surtout du citoyen.

Car avant d’être des consommateurs, soyons des citoyens.

C’est d’ailleurs l’enjeu de la modernisation de nos services et des démarches administratives, en somme notre relation à nos concitoyens.

Là encore, le numérique nous offre la possibilité d’offrir une information plus adaptée, plus individualisée. C’est le sens de l’action entreprise par le Conseil général pour faciliter le réabonnement des familles aux services de transport scolaire par le biais d’Internet.

Ce sont aussi les premiers enseignements de la démarche « On se connait ? » qui tend à rapprocher l’administration et ses administrés.

Nous tenons d’ailleurs à féliciter sincèrement tous les agents qui y ont participé, c’est une initiative dont nous ressortons tous gagnants : les usagers d’une part, parce que leurs attentes seront mieux entendues par le Conseil général, les agents également, parce que c’est une expérience conviviale qui a permis à chacun et à chacune de rencontrer d’autres services et enfin nous, les élus, parce que nous gagnons toujours à nous rapprocher de ceux que nous représentons.

Ce qui en ressort aussi, outre ce besoin de convivialité, c’est la nécessité d’une plus grande lisibilité dans nos actions, plus de facilité d’accès aux aides que nous leur proposons. En somme, une meilleure manière d’améliorer la relation que nous entretenons avec la population. C’est le sens d’une politique d’e-administration.

Et là, une des innovations techniques et surtout sociales dont nous ne sommes pas encore pleinement saisis, c’est l’Open Data, l’ouverture et surtout la réutilisation de nos données. Cet enjeu a été saisi par le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) en avril 2013, pour « ouvrir et partager des données à fort impact économique et démocratique » et ce, de manière systématique.

Nous y viendrons, alors pourquoi ne pas prendre les devants ?

D’autres collectivités (la ville de Rennes a été pionnière en la matière), d’autres conseils généraux, s’y sont investis depuis quelques mois. Si le temps des retours d’expérience n’est pas encore venu, il apparaît d’ores et déjà que des gains en termes d’efficacité se sont réalisés, tant dans la communication entre services, entre collectivités, que dans la relation à l’usager. La réutilisation des données permettrait d’offrir, par exemple, une meilleure information en termes de transport collectif en proposant un point d’accès unique à l’ensemble des horaires de transport dans l’Ille-et-Vilaine.

Sans oublier que cette réutilisation introduit des potentialités en matière de développement économique, avec un soutien à l’économie numérique. L’ouverture des données induit en effet le développement de nouvelles applications et de ressources potentielles.

Enfin, il est de notre devoir également de faciliter l’insertion de nos administrés dans ce nouveau contexte, que l’on appelle la « société de l’information ».

Il s’agit là d’un enjeu d’éducation populaire. J’en reviens à la généralisation des technologies digitales. Plus de souris, ni de clavier, mais le doigt. A priori, donc, plus de barrière entre l’écran et l’utilisateur. Du moins, on peut le penser.

A mon avis, nous sommes face à un « faux ami » : La technique sensée répondre au doigt et à l’œil…Faux ami, donc, car malgré l’apparente facilité d’utilisation, l’appropriation des nouveaux terminaux nécessite des compétences nouvelles. De nombreuses études actuellement menées montrent le renforcement de nouvelles inégalités dans la capacité à maîtriser cet outil, cette fracture numérique qui est avant tout sociale.

La maîtrise des outils techniques, leur absence, est un facteur d’inégalité et un risque d’exclusion. Il y a ici, pour nous, un enjeu d’éducation populaire.

Et là, je tiens à mettre en lumière une action expérimentale de nos anciens animateurs « ordi 35 » qui interviennent aujourd’hui auprès des chantiers d’insertions pour, à la fois dédramatiser, mais aussi donner les premières bases qui permettront à ce public en difficulté d’accéder à l’information.

Là aussi, en matière sociale, les Plans territoriaux d’Insertion nous ont permis d’être innovants.

Puisque l’on parle de territoire, ne pourrions-nous pas, à la manière de nos architectes conseils, apporter une assistance aux communes et EPCI pour leur faciliter l’accès au numérique ?

En ces temps difficiles, le Département est aussi le soutien essentiel de ceux que la crise détruit et exclut chaque jour un peu plus. Ainsi, nous mettons 5 millions supplémentaires par décision modificative cette année pour les bénéficiaires du RSA. Rappelons que, s’il participe d’une politique de justice sociale, le RSA est aussi une garantie pour maintenir un niveau de consommation suffisant des ménages les plus pauvres pour que l’économie ne plonge pas dans une récession sans fin.

L’orientation sociale de la politique du Département est au cœur de notre modèle de redistribution des richesses, celui qui nous permet de mieux supporter la crise. Cette crise est profonde, en témoigne la montée de l’extrême-droite partout en Europe. Avec 3 députés en France, 18 en Grèce, 60 en Italie, l’extrême-droite prospère sur la misère et sur les failles d’une Europe conservatrice dont le dogme des 3% de déficit public et de 80% de dette publique empêche tout espoir de relance par une politique contra-cyclique. Nous l’évoquions déjà lors de notre dernière session.

Alors, félicitons-nous d’être l’un des premiers soutiens aux plus fragiles. Et cela passe aussi par l’adoption du schéma départemental pour la protection de l’enfance et par les actions concrètes en faveur de l’emploi des jeunes et de la lutte contre la pauvreté pour lesquelles nous nous engageons.

Pour conclure, je voudrais dire que nous sommes heureux que l’aventure du gentilé trouve un débouché ce soir–du moins je l’espère. Très attaché à l’Ille-et-Vilaine, nous souhaitons que ses habitants puissent s’identifier et se reconnaître entre eux.

Je vous remercie pour votre attention.

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