Les Conseillers généraux sont réunis en session pour discuter du budget primitif 2014. Christophe Martins est intervenu, au nom du groupe Radical, Social, Démocrate et Républicain, sur le contexte ambiant : attaques, sur le plan des valeurs, de la reconnaissance de l’Autre, de ses différences, de ses droits et des principes de solidarité se multiplient.

Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs les Conseillers généraux,
Mesdames, messieurs,

Nous sommes aujourd’hui réunis en session pour voter le budget primitif pour 2014 et pour nous prononcer sur des rapports dont le nombre limité n’enlève rien à leur importance : je pense en particulier à la question de l’égalité des droits entre les femmes et hommes dans la vie locale. Droits des femmes qui font aujourd’hui l’objet d’attaques honteuses.

De manière générale, la promotion et la défense des droits sont d’autant plus importantes qu’elles s’inscrivent dans un contexte que nous connaissons tous. Le premier est celui d’une forme de mise en cause du politique. Je ne parle pas de la côte de confiance de François Hollande, mais d’une défiance à l’égard des gouvernants que nous sommes.

Cette défiance trouve son origine dans une crise économique dont on tarde à voir l’issue. Une telle crise a évidemment un impact sur la manière dont la population perçoit ses représentants de manière négative. L’incapacité à enrayer l’augmentation du chômage, l’enchevêtrement des structures publiques, que ce soit l’Etat, les collectivités locales, ou l’Europe suscite l’incompréhension.

Nous avons à nos portes un nouvel épouvantail. La Grèce. La violence de la cure d’austérité budgétaire que les Grecs ont subie a des conséquences désastreuses dont nous commençons juste à prendre la mesure. Deux chiffres qui méritent l’attention : 44 % des grecs vivent actuellement sous le seuil de pauvreté, quasiment la moitié de la population… Pire, 14% des grecs sont sous le seuil d’extrême pauvreté, contre 2% en 2009. Pour avoir une idée, le seuil d’extrême-pauvreté, c’est moins de 233 € mensuels pour une personne seule, 684 € pour un couple avec deux enfants.

Comment vivre ou plutôt survivre dans de telles conditions ? Comment avoir foi dans les institutions publiques et leurs représentants ?

Aujourd’hui, nous savons que l’économie politique a failli, que ces modèles sont devenus obsolètes. Encore plus, depuis que le FMI a reconnu à demi-mot s’être trompé sur les bénéfices de l’austérité.

Peut-être entrevoyons-nous un changement de logiciel quand Barack Obama propose une augmentation du salaire horaire minimum de plus de 20%.

Évidemment, remédier à cette crise ne se fera pas simplement en l’évoquant. Nous ne pouvons que constater les dégâts, accompagner les plus démunis. Le nombre de bénéficiaires du RSA augmente. Il a augmenté de 27% dans le département depuis 2009.

Mais il ne faut pas oublier une chose, dans cette période de crise, c’est que nous ne sommes pas égaux devant la pauvreté. Car cette crise est profondément inégalitaire. 43 % des personnes en situation de pauvreté sont sans aucun diplôme.
Nous avons l’impression d’être dans une société marquée par la hausse du nombre de diplômés, mais seulement 13 % des Français ont un niveau supérieur au Bac + 2.

Dès lors, c’est de ces inégalités sociales dont il faut avoir conscience. L’action sociale, c’est une lutte contre l’inégalité.

Comme le rappelait Jean-Louis Tourenne dans une tribune cosignée parue dans les colonnes du quotidien Libération, ces inégalités sont d’ordre culturel et se jouent dès la naissance. Elles se distribuent inégalement selon le milieu social d’appartenance et elles se prolongent tout au long de la vie.

Ne soyons pas victimes de cécité. Souvenons-nous que ce sont les plus modestes qui accèdent le plus difficilement à la culture, au savoir et à la connaissance.

Si une économie en crise est la source d’une crise de légitimité, elle dépasse le seul cadre de celui de l’emploi, du chômage, pour se développer sur le terrain des valeurs. Les périodes de crise sont synonymes de montée du repli sur soi, des conservatismes de tout ordre.

La semaine passée, nous avons timidement commémoré les 80 ans du 6 février 1934, la tentative d’insurrection fasciste fomentée par les ligues d’extrême-droite française. Quand il faut se rappeler notre propre histoire, nous n’en faisons jamais assez. Et pourtant, il faut se rappeler les contextes : une crise économique violente, une crise de l’autorité politique entachée par des scandales financiers – l’affaire Stavisky.

Alors que l’on dit de la crise de 2008 qu’elle est économiquement comparable à celle de 1929, restons sur nos gardes, méfions-nous toujours car les avancées sociales ne sont jamais des acquis définitifs. Méfions-nous des discours aux teintes poujadistes, de ceux qui rejettent autant la République que l’humanisme égalitaire, comme on a pu le voir le 26 janvier dernier, le dimanche dit « jour de colère ».

L’égalité. Décidément, voilà une valeur qui semble poser problème aux conservateurs. Je pense au nouveau défilé de la Manif pour tous et je n’en finis pas de m’étonner d’entendre des revendications aussi passéistes en 2014. En effet, après avoir manifesté pendant des mois contre l’égalité des droits entre hétérosexuels et homosexuels, ils s’insurgent désormais contre l’égalité entre les femmes et les hommes sous couvert de lutte contre une fumeuse « théorie du genre ».

En réalité, ce sont les mêmes qui refusaient le droit de vote des femmes en brandissant le risque d’une destruction de la famille, les mêmes qui ne voulaient pas de la mixité des écoles, criant à la perversion et encore les mêmes qui reviennent systématiquement sur le droit des femmes à disposer de leur corps.

De quoi s’agit-il en réalité ? De lutter contre les stéréotypes pour éviter la reproduction des inégalités. Ces mêmes stéréotypes que nous recevons tous, dès notre plus jeune âge, et que nous véhiculons inéluctablement.

Quand, dans l’inconscient collectif, la place des femmes est encore l’univers domestique, il ne faut pas s’étonner de ne compter que 17% de représentation féminine dans les médias en France. 17% alors que les femmes représentent la moitié de l’humanité.

De même, si la place de la femme est à la maison, il n’est pas étonnant que 87% d’entre elles disent avoir subi des commentaires sexistes dans la rue, l’imaginiez-vous ? À cet égard, je me réjouis que la loi du gouvernement Jospin de 2001 consacre 50% de place aux femmes pour les élections municipales, symbole d’un meilleur partage du pouvoir.

Il est cependant plus que regrettable que le gouvernement ait cédé, face à cette rue rétrograde et indigne. La loi famille comprend des avancées importantes pour les droits des enfants notamment. Ne nous laissons pas avoir : ceux qui étaient dans la rue seront toujours du côté de la justification des inégalités et contre le progrès, ils iront toujours à l’encontre du sens de l’histoire.

*****

De manière générale, il nous faut aller de l’avant, ne plus reculer. En disant cela je pense aussi à la décentralisation : quand on entend ici et là qu’il faudrait faire des économies en fusionnant voir supprimant les départements, je pense que l’on fait fausse route.

Les compétences des collectivités sont essentielles pour notre pacte républicain et c’est bien cela dont il est question : que l’on fusionne, que l’on transfère, que l’on supprime, il faudra bien que quelqu’un s’en charge. Il faudra bien continuer à entretenir les routes, les collèges, les lycées…

Si l’on veut réellement s’occuper du « mille-feuilles » territorial français, regardons du côté de nos 36 000 communes dont la moitié ont moins de 400 habitants.

Parmi ces petites communes, certaines n’ont plus d’école, plus de commerce, plus de service à la population, plus ou presque de base fiscale et certaines même plus d’habitants.

En fait, certaines n’ont plus aucune fonction collective, plus de projet collectif, laissant ainsi peser sur les communes voisines, voir sur les départements, les charges qu’elles ne peuvent plus supporter. Peut-on en rester là ?

Si l’intercommunalité est en partie une réponse à ces problèmes, elle ne pourra répondre à tout, alors, dans certains cas, pour ne pas laisser la République abandonner certains territoires, n’ayons pas peur d’encourager les regroupements, les fusions de communes.

Il semble, en effet aujourd’hui plus facile, plus politiquement correct, de sacrifier l’échelon départemental et de proposer des regroupements de départements ou de régions. Pourtant, et on le verra au travers du Budget primitif 2014, ces collectivités, elles, exercent encore des fonctions.
Elles jouent un rôle de péréquation, de solidarité, d’aménagement du territoire, d’innovation…

Alors, si le seul argument c’est de se réunir pour faire des économies, poussons le raisonnement à l’extrême et proposons une seule et grande Région Métropolitaine, dont le siège pourrait être au hasard …..à Paris…En clair, revenons à la centralisation !

Pour conclure, je voudrais revenir sur nos rapports et notamment sur la convention d’occupation du domaine portuaire départemental par la ville de Cancale. La situation dans laquelle nous nous trouvons est ubuesque. Le port de la Houle appartient au Département mais c’est la ville qui en perçoit les bénéfices grâce aux recettes des terrasses et des parkings. Un peu comme si quelqu’un venait planter des piquets chez vous et faire payer le droit de passage, sans que vous n’en retiriez un quelconque gain. Et alors qu’il semblait que nous parvenions à un accord, c’est-à-dire atteindre progressivement 200 000 euros de redevance en 2017, le Maire de Cancale feint de n’être au courant de rien et se permet de reporter la ratification de la convention par son Conseil municipal.

Mesdames et messieurs les conseillers généraux, comment pouvons-nous en arriver là entre responsables politiques raisonnables ? Cela fait plus d’un an que cette mascarade se joue, elle n’a que trop duré. Monsieur le Président, notre groupe vous propose de reprendre en régie la gestion du port et d’en récupérer les recettes. Le Département agit dans l’intérêt général, nous aurons, j’en suis sûr, l’assentiment de nos collègues de la minorité qui sont aussi soucieux que nous de la gestion des deniers du département.

Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite une bonne session.

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