Discours d’André Lefeuvre, président du groupe PRG, lors de la session du Conseil général de décembre 2008.

Monsieur le président,
Mes chers Collègues,

Nous entamons notre session consacrée, notamment, aux OB, dans un contexte très particulier. Nous parlons, depuis des années, des désengagements de l’Etat, des transferts de charges mal compensés ou pas compensés du tout. Depuis des années, nous tirons la sonnette d’alarme.

Parfois, nous avons eu le sentiment de prêcher dans le désert. Parfois, nous avons eu le sentiment de lasser. Mais aujourd’hui, mes chers collègues, nous sommes au pied du mur. Le gouvernement, non seulement, se désengage comme jamais dans son soutien aux collectivités locales. Il déshabille les territoires, par sa stratégie d’abandon des services publics, et il prépare une prétendue réforme des collectivités locales qui pourrait faire que ces orientations budgétaires soient, quasiment, les dernières que nous aurions à débattre.

Nous avons appris samedi du ministre en charge des relations avec le parlement que « la commission Balladur s’est résolue à la fin de la clause générale de compétences ».
Ce qui signifie que nous ne serions qu’une caisse d’enregistrement et de mise en œuvre des décisions prises par l’Etat. Nos engagements, devant la population, qui trouvent leur concrétisation dans le Plan Stratégique Départemental seraient donc à jeter à orties ?!

Il n’est pas inintéressant de mettre en parallèle l’idéologie libérale prônée par M. Sarkozy –c’est-à-dire moins d’Etat- et sa volonté de contrôler la démocratie locale – c’est-à-dire plus d’Etat – . Il faut être bien assis pour entendre M. Marleix, ci-devant ministre en charge des collectivités locales, dire que les modes de financements actuels des communes, départements et régions « freinent », j’ai bien dit : « freinent l’investissement et la croissance ».

Il faudra un jour expliquer à M. Sarkozy et à sa cour si fidèle que les collectivités locales portent 70% des investissements publics en France. En vingt ans, ces mêmes collectivités ont créé un patrimoine bâti, des réseaux et des ouvrages de génie civil pour un montant estimé à plus de 900 milliards d’Euros ! Et ce sont elles qui « freineraient » la croissance et l’investissement.

En 1982, la dette des collectivités locales représentait 7,4% du PIB. Elle n’en représentait plus que 6,8% en 2005. Et les experts s’accordent à juger qu’il s’agit d’une bonne dette puisqu’elle concerne des investissements (je rappelle : 900 milliards d’Euros sur 20 ans !).

Ceci est proprement intolérable.

L’Etat ment :

Nous ne pouvons plus rester silencieux. Il ment sur le rôle pivot des Communes, des Départements et des Régions pour mieux étouffer un espace démocratique auquel nos concitoyens sont attachés.

Il ment comme il ment sur ses priorités. Ainsi apprenait-on à la lecture d’un journal du soir que l’écologie, la recherche et la rénovation urbaine – autant de priorités du gouvernement en termes de communication – voient leurs crédits diminuer :

·         Recherche et environnement : – 379 millions
·         Ecologie et développement durable : – 302 millions
·         Rénovation urbaine : – 156 millions soit une réduction des deux tiers par rapport au projet de Loi de Finances (Quel sens de la prévision !).

Mensonges mais aussi vol à l’arraché

…avec des compensations de transferts de charges minorées pour des millions d’euros, rien que pour notre département ! Nous avons tous les chiffres en main. A cela s’ajoute la suppression de lits de soins de longue durée, un summum de perversion. Tout est fait pour brouiller le message : le gouvernement nous parle de vérité des prix pour transférer discrètement des charges aux départements et aux familles. Et, comme ce seront les départements qui annonceront aux familles les augmentations, ils en assumeront, eux-mêmes, l’impopularité. La réforme des tutelles vient aussi noircir le tableau. Le manque à gagner à cause de la suppression de la Taxe professionnelle décidée par M. Sarkozy sera pris en charge par les collectivités, dont il y a fort à parier qu’il ne sera pas compensé équitablement.

Mensonge, vols à l’arraché et disparitions inquiétantes

Il y eu d’abord les bureaux de poste, les tribunaux, les gendarmeries, les sites militaires, les trésoreries, maintenant les sous-préfectures. Après les bureaux de poste, a-ton à craindre un jour la suppression des bureaux de vote ?!

Mensonges, vols à l’arraché et disparitions inquiétantes. C’est l’exact contraire que la majorité de ce département propose.

Dire la vérité

Le 19 novembre dernier, le président nous convoquait à une session extraordinaire pour évoquer avec l’Assemblée les pistes sur lesquelles nous travaillions :

·         afin de faire face à la crise – qui se répercute, pour ne prendre qu’un exemple,  par une baisse des droits de mutation – ,
·         pour ajuster notre budget – avec un train d’économies jamais atteintes  –
·         et pour annoncer l’effort que nous demanderons en 2009, avec une baisse de 10% des aides aux communes et aux associations excédentaires notamment.

Redistribuer au mieux

Nos efforts se poursuivront pour aider au mieux particuliers et entreprises qui en ont besoin pour traverser la crise : aide aux logements sociaux, avances sur travaux majorées à 15%  pour aider la trésorerie des entreprises…

Assurer une meilleure présence aux plus près des habitants et des élus

Les agences départementales seront ouvertes en 2010 et assureront une qualité de service de proximité aux élus communaux et intercommunaux et à nos concitoyens.

D’un côté : Mensonges, vol à l’arraché et disparitions inquiétantes : c’est l’Etat.

De l’autre : transparence, redistribution équitable et aménagement du territoire : c’est le département d’Ille-et-Vilaine.

Chers collègues, notamment vous qui soutenez le gouvernement dans cette Assemblée et au Parlement, vous ne serez pas étonnés que notre majorité ait décidé de faire partager l’effort budgétaire qu’elle s’applique à elle-même.

C’est exactement ce que fait l’Etat en fixant les taux de progression de la DGF à 2%. Sauf que se cache derrière ce chiffre un tour de passe-passe (nouvelle disparition inquiétante) puisque le gouvernement abandonne le dispositif de « croissance et de solidarité » pour intégrer le FCTVA à l’enveloppe normée. Ce changement de périmètre modifie les règles du jeu et fausse les comparatifs. Cela ne sera pas sans effet puisque les dotations de fonctionnement seront ajustées en conséquence décourageront immanquablement les investissements publics locaux.

Je rappelle tout de même que le FCTVA n’est pas un cadeau de l’Etat mais bien une créance à l’égard des collectivités locales !

Contrairement à ce que tente de faire croire le gouvernement, les élus ne cherchent pas à dépenser pour dépenser. Ils souhaitent seulement faire face aux charges qui augmentent alors que leurs moyens sont régulièrement réduits. Les transferts de décentralisation ne sont pas neutres contrairement à ce qui avait été promis et même garanti par la Constitution à l’article 72-2 ainsi que par la Loi organique du 29 juillet 2004.

Deux exemples : les dépenses effectuées par les départements pour la gestion du RMI sont passées de 6,3 à 7,3 milliards d’euros entre 2004 et 2007, soit une hausse de 15,1%. Les dépenses de l’APA ont augmenté, quant à elles, de 8% par an.

Le gouvernement met les collectivités locales sous pression avec l’indexation de la DGF sur l’inflation prévisionnelle et l’accroissement des charges parallèle à une restriction des ressources. Je reprendrai la question posée par Jean-Michel BAYLET, président des Radicaux de Gauche, lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales au Sénat : « quel autre choix que d’augmenter les impôts locaux quand l’Etat demande toujours plus sans contrepartie ? » Il ajoute : « malgré elles, les collectivités locales participent donc à la politique d’injustice fiscale de l’Etat qui menace la libre administration des collectivités à cause de ces choix fiscaux imposés ».

Monsieur le président, mes chers collègues, les pratiques de l´Etat ont dépassé les limites.

Nous en avons assez d´avoir à assumer une responsabilité qui n´est pas la nôtre, de préparer un budget dicté par les désengagements  successifs de l´Etat qui pose, on l’a vu,  la question de la libre administration de nos collectivités.

Dans ce contexte, j´y reviens, il n´est pas surprenant que le gouvernement et la commission Balladur veuillent mettre un terme à la  clause de compétence générale que j´évoquais au début de mon propos.

Dans ces conditions, les Conseillers généraux Radicaux et républicains non-inscrits vous demandent, Monsieur le président,  d´engager une procédure contre l´Etat sur les bases de l´article 72-2 de la Constitution introduit par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

Monsieur Copé, à l´époque au gouvernement, nous disait : « cette nouvelle décentralisation est synonyme d´une compensation, à l´euro-l´euro ». L´euro-l´euro : c´était devenu son surnom !

Il ne vous aura pas échappé que plusieurs départements ont tenté d´entamer une procédure du même type ces dernières années. En vain, puisqu´ils se heurtaient à un refus du Conseil d´Etat : on ne peut contester la conformité d’un décret avec la constitution,s’il a été pris sur le fondement d´une loi.

Mais voilà, comme nul ne l’ignore, la Constitution a été révisée en  juillet dernier. Et comme nul ne l´ignore, là encore, les parlementaires radicaux ont voté cette révision. Notamment parce qu´elle reprend  un certain nombre de propositions contenues dans notre programme. Tout particulièrement la notion «d´exception d’inconstitutionnalité».

C´est ainsi que l´article 61-1 de la Constitution votée le 21 juillet  dernier par le Congrès est directement inspiré des propositions radicales et dispose, je cite:

« Lorsque, à l´occasion d´une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu´une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d´Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

Mes chers collègues, grâce à cela, l´application de l´article 72-2 pourra être enfin l´objet d´une saisine de la justice.

Article 672-2, je lis :

« Tout transfert de compétences entre l´Etat et les collectivités territoriales s´accompagne de l´attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquences d´augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi »

Mes chers collègues, les radicaux réserveront leur vote sur le budget tant que la Justice ne sera pas saisie pour que l´Etat assume enfin ses responsabilités et rendent l’argent volé à notre collectivité : donc à nos concitoyens d´Ille-et-Vilaine.

André Lefeuvre
Président du Groupe PRG

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